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Le rôle international de la Chine
Par Elisseos Vagenas, membre du Comité central du KKE, responsable de la section internationale du Comité central du KKE
[article publié initialement en 2010 pour la revue internationale communiste]
Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
L'émergence d'une nouvelle puissance mondiale, la Chine, a éveillé un grand intérêt non seulement chez les analystes mais aussi chez les travailleurs du monde entier. Cet intérêt est encore plus fort chez les personnes politisées, qui saisissent l'importance de l'ère des révolutions sociales entamée avec Octobre 1917 en Russie et qui a conduit à une série de lutte sociales et politiques importantes et à des révolutions dans le monde entier, parmi elles la révolution Chinoise. L'intérêt concernant l'émergence de la Chine est contradictoire, puisque cette émergence se produit sous le drapeau rouge et alors que le Parti communiste de Chine est au pouvoir.
Néanmoins, une des « leçons » de la contre-révolution en Union soviétique est que les communistes n'auraient pas du accepté sans esprit critique tout ce que le PCUS a pu dire. Tout PC, tout en restant fidèle au principe de l'internationalisme prolétarien, devrait étudier avec ses propres moyens les évolutions de la situation internationale, l'histoire du mouvement communiste international et tenter de se forger sa propre opinion sur ces choses, en se servant de la théorie Marxiste-léniniste comme d'un instrument. Le KKE se réserve le droit de critique au sein du mouvement communiste international avec comme perspective son renforcement. Le KKE se confronte aux déviations aux principes du Marxisme-léninisme et aux lois de la construction socialiste, tout en maintenant des relations bi-latérales avec les partis communistes qui ont différentes approches.
Sur cette base, le KKE, tout en continuant à maintenir des relations bi-latérales avec le PC de Chine, suit avec attention ses évolutions et forme ses propres analyses qu'il exprime publiquement ainsi qu'au PCC. Comme nous le savons, le KKE a déjà noté à partir du 17ème Congrès de 2005 l'expansion des rapports capitalistes en Chine. Dans la période suivante, cette tendance s'est renforcée et devient même plus évidente.
Les évolutions concernant la position internationale de la Chine dans l'économie
Le poids croissant de la puissance économique chinoise est incontestable. Tout le monde estime désormais que la Chine a dépassé le Japon et est la seconde économie du monde après les Etats-unis, tandis qu'en 2010 elle est passée devant l'Allemagne comme premier exportateur du monde. Entre janvier et octobre 2009, la Chine a exporté pour 957 milliards de dollars de produits. Les exportations comptent pour 80% des échanges du pays. La Chine exporte 50 000 produits différents vers 182 pays, tandis que 80 de ces pays ont signé des accords commerciaux et des protocoles de coopération avec elle. Les premiers partenaires commerciaux de la Chine sont les principaux pays capitalistes (le Japon, les États-Unis, les pays européens), qui représentent 55% de son commerce extérieur.
Un fait qui reflète les changements qui se sont produits ces 20 dernières années. Alors que la Chine exportait en 1993 du pétrole, aujourd'hui elle doit non seulement en importer mais en 2009 les quantités qu'elle importait étaient comparables aux chiffres américains.
En 2010, la Chine a acquis la seconde place mondiale (après les États-Unis) dans la liste des pays comptant le plus de milliardaires (130), leurs fortunes ayant augmenté de 222% en un an. On estime que les 1 000 personnes les plus riches en Chine se sont enrichis de 30% en un an, de 439 milliards de dollars à 571 milliards.
Nous pouvons aussi comparer ces statistiques à d'autres qui démontrent que la misère et l'exploitation que des centaines de millions de travailleurs vivent dans la Chine moderne, résultat de la politique de l' « enrichissez-vous » que le PCC suit ouvertement depuis 30 ans. Nous pouvons mentionner que, selon les chiffre de l'Association patronale chinoise, comme cela a été rendu publique à la télévision chinoise : 8,5% des 500 plus grandes entreprises du monde sont chinoises (43 entreprises). En ce moment, les profits des entreprises américaines est encore le double de ceux des entreprises chinoises mais la tendance va vers une plus grande profitabilité des monopoles chinois et un taux d'accumulation plus rapide que ceux américains.
Les statistiques officielles montrent également que dans la période 2004-2010 le nombre d'entreprises privées en Chine a augmenté de 81%, tandis qu'aujourd'hui on compte 3 596 000 entreprises privées en Chine. Les profits des 500 plus grandes entreprises privées ont augmenté de 23,27% en 2009.
Dans le même temps, ces entreprises opérant aux côtés des monopoles d’État chinois se sont inscrits dans une compétition internationale accrue. 117 de ces entreprises ont participé à 481 plans d'investissement à l'étranger, où elles ont investi 225 millions de dollars. En tout, les investissements directs chinois se sont élevés en 2009 à 56 milliards de dollars (5,1% des investissements mondiaux), plaçant la Chine à la 5ème place dans la liste des investisseurs mondiaux.
L'émergence de la puissance économique chinoise a poussé une série de banques internationales en juin 2010 (telles que HSBC, la Deutsche Bank, Citigroup) à exiger des entreprises l'utilisation du Yuan plutôt que du Dollar pour leurs transactions.
Dans le même temps, en septembre 2010, la Chine a acquis de nouveaux bons Américains, d'une valeur de 3 milliards de dollars, atteignant la somme totale de 86 milliards de dollars, et a maintenu sa position, devant le Japon, comme premier détenteur international de bons du trésor Américains. En outre, elle a signé un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) afin d'acheter des bons d'une valeur de 50 milliards de dollars.
Un autre élément intéressant est le désir de la part de la Chine de contrôler autant de ressources naturelles que possible, des ressources de plus en plus entre les mains d'entreprises chinoises. L'Afrique est au cœur de cette activité. Dans les années 1990, le commerce chinois avec l'Afrique dans son ensemble s'élevait à 5-6 milliards de dollars, en 2003, il avait grimpé à 18 milliards de dollars, et en 2008 il a atteint les 100 milliards de dollars. Aujourd'hui, la Chine a une présence économique importante dans presque tous les pays africains. C'est dans les pays producteurs de cuivre, comme la Zambie ou la République démocratique du Congo (RDC) qu'on retrouve les Chinatownen plus forte croissante. Le Soudan est devenu un des principaux fournisseurs de pétrole du marché chinois : 600 000 barils de pétrole soudanais sont expédiés en Chine chaque jour. Un tiers des importations chinoises viennent d'Afrique : Angola, Guinée équatoriale et le Soudan sont les principaux fournisseurs. S'ajoutent le Tchad, le Nigeria, l'Algérie et le Gabon parmi les fournisseurs de pétrole.
En échange de l'accès aux ressources naturelles des pays africains, la Chine investit dans les infrastructures routières et les ports, dans les infrastructures nécessaires à la reproduction de la force de travail (écoles, hôpitaux, logements) ainsi que dans les infrastructures industrielles de ces pays. Les entreprises chinoises construisent des routes en Angola et au Mozambique tout en rénovant ports et chemins de fer. Les entreprises chinoises sont également impliqués dans de nombreux projets à Addis Adeba, capitale de l’Éthiopie et à Nairobi, au Kenya.
La quête chinoise de matières premières ne se limite pas à l'Afrique mais s'étend à des régions moins lointaines. Elle comprend des investissements significatifs dans les mines et les ressources naturelles de Myanmar (bois, pierres précieuses). Selon le Ministère de la planification nationale et du développement de Myanmar, les investissements directs étrangers pour l'année 2008-2009 ont été multipliés par six par rapport à l'année précédente (de 173 à 985 millions de dollars). 87% de ces investissements étaient chinois. Selon certaines estimations, près de 90% de l'économie de Myanmar est soutenue par le capital chinois.
Les entreprises chinoises sont actives au Moyen-Orient, en particulier en Iran, où un seul investissement dans la construction d'un complexe industriel pour la production d'aluminium a été estimé à 516 millions de dollars. L'Iran est en concurrence avec l'Arabie saoudite en tant que fournisseur pétrolier de la Chine.
Un autre fournisseur pétrolier important de la Chine est le Vénézuela. La Chine a investi 2 milliards de dollars pour le développement de l'extraction pétrolière dans ce pays. En 2004, le Vénézuela a vendu 12 000 barils de pétrole par jour à la Chine, en 2006 il lui vendu 200 000 barils par jour et en 2011 cela devrait être de l'ordre de 500 000 barils. Ce pétrole sera expédié en Chine après avoir été traité dans une nouvelle usine spécifiquement conçue pour le pétrole brut Vénézuelien. Il passera par le canal de Panama qui est désormais contrôlé par les grands groupes chinois et a été redessiné de façon à permettre aux tankers Vénézueliens de passer. La Chine, afin de « lier » économiquement le Vénézuela, a signé des accords commerciaux d'une valeur de 9 milliards d'euros pour le développement des infrastructures vénézueliennes, ainsi que dans les secteurs de l'extraction de ressources minières, de l'agriculture et des télécommunications.
La Chine a été en mesure de gagner un accès aux ressources naturelles de Sibérie et d'Asie centrale. En août 2010, fut ouvert le pipe-line qui relie la Chine aux ressources naturelles de l'Est Sibérien. Dans un premier temps, la Chine importera de Russie 15 millions de tonnes de pétrole par an, un chiffre qui devrait être multiplié par deux à l'avenir.
Par ailleurs, la Chine a été en capacité de se frayer un accès au gaz naturel de la Mer Caspienne, en construisant un pipe-line au Turkménistan d'une capacité de 30 milliards de m3. Dans le même temps, elle est en négociations avec l'entreprise russe « Gazprom » pour la construction de deux nouveaux gazoducs pour le transport de 63 milliards de m3 par an, l'équivalent de la quantité de gaz transportée par « South Stream » de Russie vers l'Europe du sud. On estime que la Chine contrôle, en outre, 23% du pétrole extrait au Kazakhstan.
Accroissement de la force militaire chinoise
Ces dernières années la Chine, comme les autres pays capitalistes, a procédé à un renforcement significatif de ses forces armées. Aujourd'hui, l'armée chinoise est la première en nombre d'hommes, avec 2 300 000 de soldats. Néanmoins, ce qui compte aujourd'hui est moins la taille de l'armée que l'acquisition de systèmes d'armement moderne, de forces militaires bien armées.
En 2010, la Chine a augmenté ses dépenses militaires de 7,5%, atteignant 77,9 milliards de dollars, 25% de plus que le budget annuel de la Russie mais dix fois moins que le budget américain. Il faut noter que les Etats-unis jugent que le montant réel que la Chine dépensera pour les questions militaires sera le double en 2010 et atteindra les 150 milliards de dollars tandis qu'ils estiment que, dans une période de quatre ans, depuis 2006, les dépenses militaires chinoises ont quadruplé.
Aujourd'hui, la Chine possède 434 têtes nucléaires, 1 500 missiles balistiques, la plupart d'une portée de 2 800 kms, tandis que 20 ont une portée de 4 750 kms et 4 une portée de 12 000 kms. Elle est le troisième pays possédant le plus de sous-marins au monde et est parmi les cinq pays du monde à posséder des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles balistiques. En 2007, la Chine a détruit par un missile un de ses propres satellites, démontrant sa capacité à agir dans l'espace et à développer son propre programme spatial. Elle possède encore 7 580 chars et 144 navires de guerre, 1 700 avions de chasse, 500 d'entre eux de 4ème génération et elle possédera des avions de 5ème génération d'ici 2018. Elle importe des armes mais produit aussi des dizaines de dispositifs d'armement modernes, achetant les brevets des systèmes d'armement, mais aussi tout simplement en les copiant. Elle va bientôt acquérir son premier porte-avions.
Selon le rapport de l'Académie chinoise des sciences sociales, la Chine est le deuxième pays du monde pour ce qui est des dépenses militaires, la taille de ses forces armées et leur équipement. En conclusion, même si la Chine ne peut encore se comparer pour le moment à la puissance militaire américaine, même si elle est à la traîne pour ce qui est de la question de la riposte théorique à une première frappe nucléaire (une capacité que la Russie possède par exemple), dans le même temps elle a fait des progrès remarquables dans le domaine militaire. Cela n'est pas ignoré par les États-Unis.
Le renforcement de sa présence dans les organisations internationales
La Chine est un membre de l'ONU depuis sa création, et un membre permanent du Conseil de sécurité. Elle a augmenté sa contribution économique à l'ONU de 0,995% du budget de l'ONU en 2000 à 2,053% en 2006, tandis qu'en 1988 elle s'est affichée disposée à contribuer aux « forces de maintien de la paix » de l'ONU. Depuis, elle a pris part à une dizaine d'opérations de « maintien de la paix » (Libéria, Afghanistan, Kosovo, Haiti, Soudan, Liban, etc.) et maintient une « force de maintien de la paix » de 6 000 hommes. Le Ministère de la Défense de Chine avait noté que la Chine avait participé à 24 missions de maintien de la paix en 2010, impliquant 10 000 soldats, et qu'elle est le plus actif des membres permanents du Conseil de sécurité dans les « opérations de maintien de la paix ».
La Chine, avec la Russie et d'autres pays d'Asie centrale, a formé en 2001 l' « Organisation de la coopération de Shanghai » (OCS), qui tout en menant des exercices militaires annuels massifs, n'est pas considérée comme un « bloc » militaire et met en avant essentiellement des questions de coopération économique entre pays de la région et leur sécurisation politique. Cela démontre tout l'intérêt que la Chine accorde à une région riche en ressources naturelles, telle que l'Asie centrale qui dans les vingt dernières années est devenue un objet de discorde dans les rivalités inter-impérialistes. Dans le même temps, la Chine est un membre de la « Coopération économique Asie-Pacifique » (APEC) depuis 1991, une organisation fondée en 1989 à l'initiative de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. 21 pays y participent, des pays qui représentent 40% de la population mondiale, 54% du PIB mondial et 44% du commerce global.
Enfin, elle a participé aux forums des pays capitalistes les plus développés (au G8 comme observateur, et au G 20 comme membre à part entière), et dans le même temps, sans qu'aucune organisation spécifique n'ait été formée, elle coopère avec les pays dits BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), qui cherchent à renforcer leurs positions dans le rapport de force international. Ces pays coordonnent étroitement leurs interventions au G 20, tout en essayant dans le même temps de coordonner leur action à l'ONU.
Analyses concernant la position et le rôle de la Chine dans le système impérialiste international
1 – La Chine, particulièrement à partir des années 1980, a lié son économie au marché capitaliste international. C'est un fait qui n'est pas nié par les dirigeants chinois, mais qu'ils mettent même en avant. Elle participe activement à la division capitaliste globale du travail en se faisant l' « atelier du monde » avec une main d’œuvre bon marché, avec des taux de profit pour ces capitalistes qui ont la capacité d'y investir.
2 – Conséquence de ce changement de cap, la Chine s'est vue intégrée par d'autres puissances impérialistes, avant tout les États-Unis, mais aussi le Japon, l'UE, en raison de sa dépendance envers eux comme première puissance exportatrice mondiale. Elle fait partie intégrante du système impérialiste international. Cette relation de dépendance et d'inter-dépendance est bien exprimée par le fait que la Chine possède des bons américains.
3 – Tant que la Chine se renforcera économiquement, ses besoins en matières premières et en hydrocarbures ne feront que s'accroître. Pour cette raison, les rivalités inter-impérialistes pour le contrôle des sources énergétiques, en Asie centrale, au Moyen-orient, en Afrique et en Amérique latine s'aiguiseront au niveau mondial :
Comme l'écrivait Lénine : « Si les capitalistes se partagent le monde, ce n'est pas en raison de leur scélératesse particulière, mais parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige à s'engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices; et ils le partagent « proportionnellement aux capitaux », « selon les forces de chacun », car il ne saurait y avoir d'autre mode de partage en régime de production marchande et de capitalisme. Or, les forces changent avec le développement économique et politique ».
La compétition pour les parts de marché est particulièrement féroce. Cela est révélé par les efforts récents des cercles politico-économiques aux Etats-unis pour mettre en œuvre une législation qui prévoirait de sanctions contre ces pays dont ils considèrent qu'ils maintiennent leur devise à un taux artificiellement bas, afin de garantir à leurs exportations des prix compétitifs, s'emparant ainsi de parts de marché et évinçant leurs concurrents.
Les arguments suivants sont souvent avancés pour contredire les éléments soulignés ci-dessus :
A – L'argument selon lequel l'URSS avait également des rapports économiques. Nous devons rappeler la chose suivante : plus de la moitié des échanges commerciaux de l'URSS étaient tournés vers d'autres pays socialistes du Conseil d'assistance économique mutuelle. Près d'un tiers des échanges de l'URSS impliquaient le pétrole et le gaz naturel, qu'il possédait en abondance, tandis que le tournant vers l'accroissement des exportations et le développement de relations avec les pays les plus développés, s'est produit après les années 1960, guidé par les conceptions opportunistes de la « coexistence pacifique » et de la « compétition pacifique ». Néanmoins, même alors, l'URSS n'a jamais possédé 1/3 des bons américains ni n'a jamais exporté de capital. Et on n'a jamais vu personne en URSS capable d'acheter le port du Pirée ! Des faits qui démontrent la différence qualitative entre la Chine d'aujourd'hui et un pays socialiste comme l'URSS
B – Quelque fois nous entendons dans certains milieux que, contrairement aux autres puissances impérialistes, la Chine avec ses investissements dans les pays en développement ne cherche pas à piller leurs ressources naturelles, mais à créer des infrastructures (routes, bâtiments, installations industrielles, hôpitaux, écoles, etc). L'objectif est, comme le prétendent les Chinois eux-mêmes, que ces pays « améliorent le développement de leurs infrastructures et promeuvent la coopérationéconomique ». La Chine met en place des programmes médicaux spéciaux dans les pays en développement, des programme pour la formation des cadres de ces pays, pour la réduction des droits de douane sur les importations des produits de ces pays en Chine, qui absorbe 50% de toutes les importations provenant des pays moins développés vers les pays développés, et dans le même temps, elle leur garantir des taux d'intérêt bas. Cela nous est souvent présenté comme une preuve de la différence entre la Chine « socialiste » et les autres puissances impérialistes.
Même si nous acceptions le fait qu'il y ait une différence dans la façon dont la Chine opère en Afrique, en Asie, etc, par rapport à d'autres puissances impérialistes (ce qui est discutable, puisqu'elles développement des programmes « humanitaires » et « éducatifs » similaires dans des pays moins développés. Ex : l'UE, jusqu'en 2008, était le premier partenaire commercial et le premier partenaire humanitaire de l'Afrique), dans le fond ces mesures ne changent pas le but ultime des activités chinoises. Leur but est de faciliter les investissements chinois dans ces pays, la pénétration du capital chinois, qui opère dans ces pays, c'est-à-dire l'accumulation de capital. Cette activité se trouve facilitée quand il existe des infrastructures modernes (routes, ports, aéroports, bâtiments) ainsi que les infrastructures nécessaires à l'éducation de la main d’œuvre, nécessaires à la bonne marche des affaires. Les taux d'intérêt bas accordés par les banques chinoises pour l'absorption des exportations de ces pays par la Chine vise à préserver des conditions plus favorables pour la pénétration du capital chinois dans ces pays ainsi que le renforcement de ses relations avec eux – avec un œil vers leur cooptation dans une alliance politique dans les diverses organisations internationales (ONU, OMC etc) où (comme nous le verrons plus tard), la Chine essaie de monter un bloc de pays, avec d'autres États capitalistes qui cherchent à renforcer leur position internationale.
La promotion de la Chine comme contre-poids aux impérialistes
L'intérêt croissant pour la Chine dans les rangs du mouvement communiste international est lié aux interrogations sur les changements dans le rapport de force mondial provoqués par l' « émergence » de la Chine à l'échelle régionale et mondiale, et si ils pourraient conduire à la création d'un nouveau contre-poids aux impérialistes, un rôle joué par l'URSS dans le passé.
Précédents historiques
Il est important de rappeler certains événements historiques. Tant que l'URSS existait, la politique étrangère chinoise était coordonnée avec celle des États-Unis contre l'URSS. Cette position a d'abord été présentée comme une critique du tournant opportuniste du PCUS au 20ème Congrès. Bien entendu, nous savons désormais qu'au départ le PCC n'a pas réellement marqué ses distances, ouvertement ou dans le fond, avec les orientations du 20 ème Congrès du PCUS. Son désaccord a été rendu public plus tard, motivé par les disputes frontalières sino-soviétiques. La position du PCC a eu un certain impact sur quelques PC, en raison de la dérive opportuniste de l'URSS sur des positions concernant « la compétition et la paix éternelles » avec les puissances impérialistes dans le cadre de la « coexistence pacifique ». Néanmoins, après le 20 ème Congrès, le PCC n'a pas limité ses critiques aux positions opportunistes du PCUS mais a choisi une stratégie qui a conduit concrètement, et en de multiples occasions, à une prise de position hostile envers le mouvement communiste international et l'URSS, et ce en coordination avec les États-Unis, à une position contraire aux intérêts du mouvement révolutionnaire mondial. Le PCC a agi sur la base de son analyse des « trois mondes » : le « premier monde » était celui des super-puissances (l'URSS était étiquetée comme une « puissance social-impérialiste »), le « second monde » était constitué des alliés puissants des super-puissances, et le « tiers-monde » était celui des pays en développement, dont la Chine.
Un exemple typique, l'attitude de la Chine par rapport au soutien internationaliste apporté par l'URSS au pouvoir révolutionnaire Afghan.
A cette occasion, la Chine s'est intégrée au « bloc » des forces formé par les Etats-unis, avec l'Arabie saoudite, le Pakistan et d'autres, finançant les forces sociales et politiques les plus réactionnaires en Afghanistan, celles qui menaient une lutte armée contre le gouvernement populaire tout juste formé.
Dans un article du « Washington Post » du 19 juillet 1992 concernant les manœuvres employées par la CIA en Afghanistan en 1990, il est mentionné que la Chine a vendu des armes à la CIA et a donné un nombre un peu faible d'armes au Pakistan. Dans le même temps, l'article souligne « à quel point la Chine a joué un rôle qui constitue un des secrets les mieux gardés de la guerre ». Dans cet article, on trouve également des références au type d'armes que la Chine a fourni pour renforcer les contre-révolutionnaires.
Un autre exemple emblématique est l'attitude de la Chine vis-à-vis de la lutte du peuple Vietnamien, dans sa phase de lutte pour la libération nationale. La Chine a refusé les propositions de l'URSS pour l'organisation d'actions communes pour soutenir le Vietnam. « Pékin a rejeté les propositions de l'URSS de fermeture de l'espace aérien Vietnamien aux envahisseurs Américains. Les dirigeants chinois ont refusé de mettre à disposition leurs aéroports du sud du pays pour le stationnement d'avions militaires soviétiques, qui auraient pu défendre le Vietnam. Les autorités chinoises ont bloqué le transport d'équipement militaire et d'experts d'URSS vers la République démocratique du Vietnam ». Plus tard, quelques années après la libération du pays des impérialistes, le 17 février 1979, la Chine a déclenché une offensive militaire contre le Vietnam. Cela fut précédé en février 1979 par la visite du vice-président chinois, Deng Xiaoping, à Washington, qui a alors parlé de la nécessité de « donner une sacrée leçon au Vietnam », ce qui a été salué par les politiciens américains qui ont promis alors la livraison d'armes de la part des pays occidentaux. Après 30 jours de combat, l'armée chinoise composée de 600 000 hommes, qui avait envahi le Vietnam, et avait perdu 60 000 soldats, 300 chars, et 100 pièces d'artillerie lourde et de mortiers, a été contrainte de battre en retraite.
Comme nous le savons désormais, durant cette période, il y eut de nombreux contacts à tous les niveaux entre la Chine et les États-Unis. Le 4 novembre 1979, une « fuite » a permis la publication d'un document officiel dans le « New York Times » qui mentionnait que l'aide militaire américaine à l'Armée de libération populaire chinoise était estimée à 50 milliards de $ afin, disait-on, « de faire obstacle à l'Armée rouge ». En outre, lorsque le Secrétaire à la défense nationale pour la recherche, William Perry, a visité Pékin en 1980, il a informé les Chinois que le gouvernement des Etats-unis « avait approuvé l'exportation de 400 licences liées à des biens à multiples usages et à des équipements militaires. Cela comprenait du matériel tel que des ordinateurs géophysiques, des véhicules lourds, des avions de transport C-130 et des hélicoptères Chinook ».
Dernier exemple, la position que prit la Chine par rapport à la guerre civile en Angola, où elle a soutenu (économiquement et militairement) les forces locales de la réaction, qui luttaient dans un front uni avec les armées racistes d'Afrique du sud, et qui avaient envahi la République populaire d'Angola.
La situation aujourd'hui
Revenons à la situation présente. Aujourd'hui, avec le développement et la prédominance des rapports de production capitalistes en Chine, avec sa participation aux organisations impérialistes telles que l'OMC et son intégration au système impérialiste, sa position n'est guère différente de celle des puissances impérialistes. Quels que soient les désaccords qu'elle puisse avoir avec les États-Unis sur le « partage du butin », il existe une entente sur la question des droits des travailleurs, réduits pour le bien de l'économie de marché, et aussi contre les États dont les agissements rentrent en contradiction avec les intérêts des grands monopoles des puissances impérialistes.
Un exemple, l'attitude de la Chine concernant le programme nucléaire de l'Iran. Comme nous le savons, la Chine a développé une coopération économique étroite avec l'Iran, qui est un de ses principaux fournisseurs pétroliers. En dépit de cette coopération, en septembre 2010, la Chine, ainsi que la Russie, a fait bloc avec les États-Unis, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne (« le groupe des 6 ») sur la question du programme nucléaire iranien, demandant que l'Iran fasse machine arrière et accepte les conditions du Conseil de sécurité de l'ONU concernant son programme nucléaire. Plus tôt, en juin 2010, la Chine a accepté au Conseil de sécurité de l'ONU de nouvelles sanctions contre ce pays.
Second exemple, sa position par rapport au Kosovo. Même si la Chine et d'autres puissances impérialistes n'ont pas encore reconnu officiellement le Kosovo, il est intéressant de noter, qu'au Conseil de sécurité de l'ONU, elle n'a pas adopté une position résolue et cohérente contre l'offensive de l'OTAN dans les Balkans, tandis qu'elle s'est abstenue sur l'opération de maintien de la paix, dans laquelle l'OTAN joue un rôle capital (la fameuse KFOR) et a participé par la suite à l'occupation en envoyant des forces de police.
En outre, en 2010, nous avons eu la décision ignominieuse du Tribunal international de la Haye, qui a statué que la déclaration d'indépendance du Kosovo n'était pas une violation du droit international. Certains juges ont tenu une position différente concernant cette décision très importante. Les juges de Russie, de Slovaquie, du Brésil et du Maroc ont statué contre la légitimisation du Kosovo, soutenue par les juges des États-Unis, du Japon, d'Allemagne, de France, de Grande-Bretagne, du Mexique, de Nouvelle-Zélande, du Sierra Leone, de Somalie et de Jordanie. Comme cela est mentionné dans les documents publiés, le juge chinois n'a pas pris part à cette décision qui vise à modifier les frontières dans les Balkans, ouvrant la « boîte de Pandore » et allumant de nouvelles querelles potentielles concernant les minorités nationales, sur des « questions procédurales ». Cela fut suivi par l'appel lancé par l'Albanie à Pékin pour reconnaître l'indépendance du Kosovo et pour user de son influence au Conseil de sécurité de l'ONU afin que les autres Etats-membres soutiennent sa reconnaissance.
Troisième exemple, la visite du premier ministre chinois, Wen Jiabao, en Grèce en octobre 2010. Dans son discours au parlement grec, le premier ministre chinois a affirmé que la Chine soutenait un Euro stable car« nous avons la conviction qu'une Europe forte et unie pourra jouer un rôle irremplaçable dans le développement du monde » et il a ajouté qu'il ressentait de la « joie quand il voyait la Chine s'éloigner de la brume de la dette étrangère, en réduisant son déficit et en s'ouvrant des perspectives de développement économique ». Dans ces deux phrases, le premier ministre chinois, membre du bureau politique du comité central du PC Chinois, a réussi à résumer le soutien des dirigeant de son pays au centre impérialiste européen qu'est l'UE et au gouvernement social-démocrate du PASOK qui, sous prétexte de réduction des déficits, mène un programme anti-populaire brutal afin de réduire le coût de la main d'œuvre en Grèce.
Les dirigeants chinois ont signé une série d'accords avec le gouvernement grec, qui constitueront une source de profits pour certaines fractions de la ploutocratie grecque. Les fameux 5 milliards d'investissement chinois ne sont rien d'autre qu'un coup de pouce pour les armateurs grecs, au service de l'industrie de construction navale chinoise, tout en poursuivant son but de continuer la pénétration du marché européen par la Grèce. La construction, l'utilisation et l'exploitation des ports et des lignes de chemin de fer, ainsi que des infrastructures de construction de navale, par les monopoles chinois et certaines entreprises grecques renforceront encore le développement inégal aux dépens des besoins du peuple.
L’expansion et le renforcement de l'activité du capital dans ces infrastructures essentielles, en lien avec les politiques anti-populaires, ont conduit à appauvrir les travailleurs, en réduisant leur salaires et leurs droits sociaux. Les exportations d'huile d'olive ne profiteront qu'aux gros capitalistes qui les contrôlent et non aux petits exploitants, dont la position ne cesse de se dégrader. Néanmoins, cette visite a été utilisée par le gouvernement « social-démocrate » du PASOK en vue de faire croire aux couches populaires du pays que grâce aux investissement chinois (ou ceux du Qatar, d’Israël, etc.), il y aurait développement et que par conséquent le PIB connaîtrait une croissance et que des miettes tomberaient pour le peuple, de la table des capitalistes. En réalité, nous parlons naturellement d'une perspective d'issue capitaliste à la crise qui ne fera pas obstacle au développement en faveur du grand capital, ni à la pauvreté et au chômage du peuple. Nous parlons d'un développement qui casse les capacités productives de notre pays et l'engage dans de dangereuses rivalités impérialistes. En tout cas, on ne peut certainement pas parle de la « contribution internationaliste » de la Chine à la lutte du peuple grec.
Enfin, le Parti communiste de Chine peut bien pour le moment maintenir son titre de « parti communiste », néanmoins nous savons qu'il a développé des liens très étroits avec l'Internationale socialiste. En 2009, le PCC a organisé en Pékin un séminaire commun avec l'Internationale socialiste, avec comme sujet « un modèle de développement différent : l'économie verte ». Dans son discours sur place, le président du PASOK et de l'Internationale socialiste, G.Papandreou a exprimé le « désir de l'Internationale de renforcer encore les relations entre les deux camps, ce qu'a démontré le séminaire d'aujourd'hui ». La question d'une « coopération plus large dans le cadre de l'Internationale socialiste » a également été mise à la discussion lors de la rencontre entre le PASOK et le PCC en juillet 2010.
En 2009, le livre « la Chine n'est pas satisfaite » (42) qui traite de la position de la Chine dans le monde a été publié en Chine (700 000 copies ont été vendues en trois mois, et des millions encore après). Parmi les éléments que l'on retrouve dans l'ouvrage :
« Nous sommes les personnes les plus à même de prendre la direction du monde » Puisque, c'est l'argument, la Chine gère les ressources naturelles mondiales de façon plus efficace que tout autre pays, il doit prendre la tête du monde. Il y est noté également que l'armée chinoise doit défendre la souveraineté du pays hors des frontières, directement dans les pays où la Chine a des « intérêts vitaux » à défendre. (43) Il propose la mobilisation de l'armée chinoise dans les espaces où le capital chinois est actif. Nous devons nous rappeler que la Chine joue un rôle actif dans la « guerre contre la piraterie » (dans la « Déclaration commune » signée entre le gouvernement grec et la Chine lors de la récente visite du premier ministre chinois en Grèce, le gouvernement grec a remercié la Chine pour la protection par la Marine chinoise de navires grecs dans les eaux somaliennes), tentant de contrôler d'important lieux de passages maritimes internationaux.
Dans le livre sus-mentionné, il y a une discussion sur le « besoin d'un espace vital » pour la Chine, et les regards sont tournés vers les vastes étendues de Sibérie qui « doivent être cultivées par le grand peuple chinois ».
Cela va sans dire qu'un tel livre n'a pu être publié en Chine aujourd'hui sans l'approbation du PCC. Pour ceux qui en doutent encore, il suffit de lire l'organe du PCC, le « Quotidien du peuple », qui écrit : « Apparemment, la Chine est prête à placer le Far East Russe sous son influence, mais de façon à ne pas alarmer Moscou. La force de cette influence reposera non pas sur une immigration à grande échelle de colons chinois, mais sur la « sinisation » des Russes (…) Un beau jour, il y aura une crise sérieuse et, au vu de l'influence politique et militaire déclinante de Moscou, ces Russes pourront se tourner vers Pékin et non vers leur propre gouvernement. Dans cette situation potentielle, le Far East Russe pourra devenir une province de la Chine ».
Dans la même veine, on doit se souvenir qu'en août 2010 le représentant du Ministère de la Défense du Vietnam, Nguen Fwong Nga, a publié la déclaration suivante : « Le Vietnam exige que la Chine cesse immédiatement ses violations de la souveraineté du Vietnam » (47) Dans la mer de Chine méridionale, où il y a des réserves énergétiques, des « zones grises » ont émergé et des régions où la souveraineté est disputée.
Bien entendu, dans le cadre de cette compétition, émergent également à la fois des « axes » de coopération et des « anti-axes ». Nous pouvons ainsi voir le premier ministre italien Berlusconi, qui traite habituellement tout opposant politique de l'accusation gravissime de « communiste », n'avoir aucun problème à éclairer le Colisée à Rome de la couleur rouge des « communistes » afin d'honorer le premier ministre chinois qui a visité la « ville éternelle » avec comme objectif de doubler le commerce entre les deux pays pour atteindre les 100 milliards de dollars d'ici 2015, tout en participant au « développement des ports et d'autres investissements », en suivant une politique visant à faire de l'Italie une « porte d'entrée » en Europe (48).
Coopération avec la Russie, le Brésil et l'Inde afin de changer le rapport de force dans les organisations internationales
Ces dernières années, la Chine a développé des formes de coordination et de coopération avec des Etats qui cherchent à reconfigurer leur position internationale (Brésil, Russie, Inde), ceux qu'on nomme les BRIC, ainsi que des alliances-partenariats dans des unions régionales, comme l'Organisation de la coopération de Shanghai (avec la Russie et les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale). Ces alliances et ces partenariats peuvent-ils être considérés comme un coup porté au « monde unipolaire » des Etats-unis ?
Avant tout, nous devons affirmer qu'un « monde unipolaire » n'existe et n'a jamais existé. Il a toujours existé une différenciation au sein du système impérialiste international, les Etats-unis ayant acquis la première place dans l'après-guerre et menant la lutte contre le socialisme, dans laquelle l'URSS a joué un rôle essentiel. La lutte entre l'OTAN-OCDE et le Pacte de Varsovie-Conseil d'assistance économique mutuelle était une lutte de classe. Après le renversement du pouvoir soviétique et la dissolution de l'URSS, les contradictions inter-impérialistes se sont intensifiées, en raison du rôle essentiel joué par les États-Unis dans ces événements. Dans le même temps, à cause du développement capitaliste inégal, de nouvelles puissances impérialistes émergentes sont apparues à côté des États-Unis, l'UE et le Japon, cherchant à acquérir une part des matières premières, des voies d'approvisionnement et des marchés. On le présente aujourd'hui dans les médias bourgeois comme un « monde multi-polaire » et la fin du « monde unipolaire ». Les décalages dans le déclenchement de la crise capitaliste accélèrent les bouleversements du rapport entre forces capitalistes, mais cela ne fait pas pour autant du monde un espace plus pacifique et plus sûr. Tant que la contradiction entre capital et travail ne sera pas résolue au niveau national, régional et mondial, tant que les nouvelles puissances émergentes seront guidées par la soif du capital pour de nouveaux marchés et de nouvelles matières premières, nous n'assisterons pas à des changements radicaux. Les États qui gagnent du terrain dans le système impérialiste international ne peuvent jouer le rôle que l'URSS a joué dans le passé, car ils agissent dans la recherche d'un profit maximal pour leurs monopoles. C'est vrai pour la Chine, et on ne peut le nier juste parce qu'elle a gardé le drapeau rouge et parce que son parti porte le titre de « communiste ».
De plus, lorsque nous nous concentrons sur la coopération des pays dit BRIC ou sur ceux de l' « Organisation de la coopération de Shanghai » ou la coopération atteinte par les ministres des affaires étrangères de Chine, d'Inde et de Russie, nous ne devons pas oublier que ce n'est qu'un aspect des rivalités impérialistes. Il existe en arrière-plan de dures rivalités et contradictions entre ces puissances. Ex : entre la Russie et la Chine sur les ressources énergétiques en Asie centrale, ou sur les ambitions chinoises dans le Grand est sibérien etc. On peut dire la même chose pour les relations entre la Chine et l'Inde, où au-delà de la question frontalière non-résolue (ex : en août 2010, l'Inde a envoyé deux divisions dans l'Etat de l'Arunachal Pradesh afin de renforcer sa frontière avec la Chine), il existe également une compétition féroce pour l'hégémonie dans la région de l'Asie orientale. Typique le fait que le Ministre de la Défense indien ait tenu en 2009 et 2010 plusieurs conférences sur la modernisation des forces armées chinoises, fixant des objectifs comparables pour les forces armées indiennes.
La tendance à la modification des relations avec les États-Unis se développe également au sein des États d'Amérique latine, le Brésil se trouvant en première ligne. Ces États cherchent ainsi à renforcer leurs relations avec la Chine, la Russie, l'Inde et l'UE. La compétition et la coopération co-existent dans le monde impérialiste, où l'interdépendance et les alliances forgées vont de pair avec les rivalités et les contre-alliances.
Dans le même temps, tous ceux qui considèrent que la Chine est une « brèche » dans l' « unipolarité » américaine, ignore le fait que la Chine en 2001 a soutenu publiquement la « guerre contre le terrorisme » et la résolution du Conseil de sécurité 1373/2001, qui a lancé l'agression impérialiste sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Bien entendu, le mouvement communiste international a choisi la direction opposée, lorsqu'à la Rencontre internationale des partis communistes et ouvriers en 2002 (avec 62 PC), il fut souligné que « les événements du 11 septembre ont constitué également un alibi pour lancer une offensive sans précédent contre les libertés et les droits des peuples sous prétexte d'une déclaration de guerre contre le terrorisme. Les impérialistes étiquettent comme terroriste tout mouvement de résistance qui lutte contre la mondialisation capitaliste et les décisions prises, contre les intérêts des peuples, par les organisations internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, UE, etc.), les mouvements anti-impérialistes qui luttent contre les interventions impérialistes et les guerres, et contre l'OTAN, ainsi que tout mouvement social ou de libération nationale, et les luttes contre les dictatures et les régimes fascistes ».
L'alliance de la Chine avec les pays « en développement »
Le 10 juillet 1986, la Chine a officiellement exprimé son souhait de rejoindre le GATT, et le 11 décembre 2001 elle est devenue le 143ème membre de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), qui a pris la suite du GATT.
Au sein de l'OMC, la Chine a insisté sur les contradictions secondaires qui existent dans le système impérialiste mondial. Dans son rapport au 16ème Congrès du PC Chinois, Jiang Zemin, a évoqué la « différence de développement entre Nord et Sud », ainsi que le « poids la domination économique, scientifique et technologique des pays développés ». Selon certaines sources, la Chine cherche constamment à se présenter comme un représentant et un leader des pays en développement.
Depuis que la Chine a renforcé économiquement sa position internationale, les dirigeants chinois insistent pour se présenter comme un « pays en voie de développement ». Cette affirmation repose sur trois arguments : (a) en 2008, le PIB par tête de la Chine n'était que de 3 300 dollars, le 104ème au monde ; (b) sur 1,3 milliards d’habitants, plus de 700 millions sont des paysans ; ( c ) l'industrie, l'agriculture et le secteur des services constituent respectivement 49, 11 et 40% du PIB, tandis que dans les pays au niveau de développement capitaliste plus avancé, l'industrie et l'agriculture ont une part moins importante dans l'économie. En 2009, le PIB avait augmenté de 9,5% dans l'industrie, de 8,4% dans les services et seulement de 4,2% dans l'agriculture.
Les classements de l'ONU et de l'OCDE sont problématiques et ne reflètent pas la réalité de la Chine ; c'en est de même pour l’étiquette de pays en « voie de développement » que lui donnent ses dirigeants. Ces phénomènes d'économie capitaliste « en développement » tiennent au développement profondément inégal entre la partie occidentale et la partie orientale du pays. Un tableau plus juste peut être donné à partir des données concernant la partie orientale du pays. Et bien sûr, ce qui est vrai pour le capitalisme en général s'applique aussi pour la partie orientale développée : la concentration des moyens de production entre une poignée de mains et des inégalités sociales grandissantes.
De ce point de vue, l'alliance de la Chine avec d'autres puissances (ex : l'Inde) avec un développement capitaliste aussi inégal ne les place pas dans la même position que certaines sociétés asiatiques ou africaines, en retard de développement. Néanmoins au nom de cette rhétorique du « retard de développement », des « aspirations patriotiques » sont agitées qui sont utilisées pour tenter de piéger le mouvement ouvrier, les Partis communistes, les forces radicales, invitées à oublier dans l'immédiat la lutte de classe et la nécessité de construire une autre société, pour mieux se consacrer au « renforcement de la position internationale de leurs pays ». La poursuite d'un « développement national » est souvent articulée avec un « anti-impérialisme » sélectif, qui concentre ses tirs uniquement sur les Etats-unis, caractérisés comme un « empire », et éventuellement sur certains Etats d'Europe occidentale. La théorie du « milliard doré » (les 30 pays les plus développés qui appartiennent à l'OCDE) rentre dans cette logique, en posant comme critère de base la consommation par tête de chacun des pays.
Dans le même temps, ceux qui se concentrent trop sur la distinction entre pays développés et en développement, oublient que même dans les pays capitalistes les plus riches, comme les Etats-unis, il existe des phénomènes de misère de masse et de pauvreté chez les couches populaires. Il existe également des phénomènes d'enrichissement massif dans les pays les plus pauvres, de façon encore plus patente, peut-être, que dans les pays dit développés.
L'analyse de Marx est plus que jamais pertinente : « Plus un pays est productif par rapport à un autre sur le marché mondial, plus ses salaires seront élevés. En Angleterre, ce n'est pas seulement les salaires nominaux mais aussi réels qui sont plus élevés que sur le continent. Le travailleur mange plus, il satisfait mieux ses besoins. Cela, cependant, ne s'applique qu'à l'ouvrier d'industrie et non au travailleur agricole. Mais, ramenés à la productivité des travailleurs anglais, leurs salaires ne sont pas plus élevés (que ceux versés dans d'autres pays) » (56).
Si les forces communistes abandonnent le mot d'ordre de la solidarité internationaliste prolétarienne et soutiennent l'idée de partage du monde entre « Nord » et « Sud » ou l'idée du « milliard doré », elles tomberont facilement dans le piège de l' « unité » avec le « capital domestique », c'est-à-dire avec la classe bourgeoise de leurs pays (ou une fraction d'entre elles), qui cherche à améliorer sa position au sein du système capitaliste mondial. Dans ce cas, en tant que communistes, ils auront révisé, consciemment ou inconsciemment, la thèse Léniniste centrale sur « l'impérialisme, stade suprême du capitalisme », qui parle d'une ère totalement réactionnaire du capitalisme, et par conséquent de toute société capitaliste, quelle que soit sa place dans le marché mondial.
C'est une raison de plus qui explique que la position de la Chine, qui cherche à se présenter comme le leader des « pays en voie de développement », contribue à sa désorientation et à la création d'une confusion au sein du mouvement communiste international, puisque celui qui est à la tête de ce projet est un grand pays gouverné par un parti qui porte le nom de « communiste ».
L' « ouverture » prétendument inévitable au marché mondial
Le PCC et d'autres ont défendu l'idée d'un renforcement graduel des rapports capitalistes de production comme une manière de participer à la mondialisation : « aujourd'hui, dans un monde de plus en plus globalisé, la Chine ne peut se développer en s'isolant du reste du monde, tout comme le monde ne peut pas ignorer la Chine dans sa quête de prospérité ». Mais le « marché mondial » n'est pas quelque chose de neutre, un marché où il y a échange mutuel de produits entre production capitaliste et socialiste. Le phénomène de « mondialisation », au nom duquel le niveau de salaires dans les pays capitalistes avancés est remis en cause aujourd'hui, n'est pas quelque chose de nouveau. En fait, dans le « Manifeste du Parti communiste », il y a des références au « marché mondial » : « Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des productions de l'esprit Les oeuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle » (58).
La « participation de la Chine » au sein du marché international peut-elle être considérée comme un échange forcé de biens entre différentes économies, rendu nécessaire par le rapport de forces international ? Non, car nous parlons d'exportation de capital, accumulé en Chine par des rapports de production capitalistes.
On sait que la construction socialiste en URSS a reposé avant tout sur la socialisations des grands moyens de production, sur la planification centralisée et sur des mesures économiques en adéquation sur le plan de ses relations économiques internationales, comme le monopole d’État sur le commerce extérieur, établi en avril 1918.
Même dans les conditions de la NEP (que certains invoquent quand ils parlent de la Chine actuelle, le monopole d’État devient encore plus important, un rempart contre les tendances capitalistes croissantes. Lénine, dans sa controverse avec Boukharine, a défendu l'importance d'avoir un monopole sur le commerce extérieur. Et Staline, plus tard, a noté la nécessité pour « l'économie d'être planifiée afin de préserver l'indépendance de l'économie populaire, afin que notre économie ne soit pas transformée en appendice de l'économie capitaliste. Il ne dépend que de nous-mêmes de ne pas devenir cet appendice de l'économie capitaliste ».
Staline, dans son discours de clôture de la 7ème session plénière du comité exécutif de l'Internationale communiste, le 13 décembre 1926, a démoli le mythe selon lequel l'URSS était « dépendant » du marché capitaliste mondial car il avait des relations économiques avec des pays capitalistes. Il a souligné l'interdépendance de ces relations et que ce type d'interdépendance était différente de l'intégration de l'économie du pays dans le cadre de l'économie capitaliste mondiale (60). La non-intégration nécessite précisément une planification centralisée, un monopole d’État sur le commerce extérieur, dans le système bancaire et la socialisation de l'industrie. La réalité en Chine est très différente de celle de l'URSS sous la NEP. En Chine :
A – Il n'y a pas de monopole du commerce extérieur. Des milliers d'entreprises étrangères qui opèrent en Chine l'essentiel des exportations chinoises, qui sont bien sûr dépendantes de leurs plans, basés sur la profitabilité et non sur une économie planifiée ;
B – 440 banques privées étrangères opèrent en Chine, et ont acquis près de 10% des parts des banques publiques chinoises et ont développé depuis 2005 un secteur bancaire privé national ;
C – Une part importante de l'industrie est privée ou privatisée (sous la forme de sociétés anonymes), tandis qu'on estime que le secteur privé représente 70% du PIB ;
D – La législation chinoise, en particulier dans les secteurs économique et commercial, est tout à fait harmonisée, grâce au soutien de l'OMC, avec les normes de l'économie capitaliste mondiale ;
Épilogue
En conclusion, la prédominance des rapports capitalistes en Chine, qui est une réalité désormais, lentement ou plus rapidement, conduira à une intégration du système politique, de l'idéologie dominante et de tous les éléments de la super-structure dont le caractère capitaliste sera reflété dans ses symboles. Les contradictions de classe vont s'intensifier, avec elles se développera la nécessité d'un mouvement ouvrier révolutionnaire qui sera représenté par son propre parti contre le pouvoir capitaliste.
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